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Naufrage du Bayesian – l’enquête bascule vers l’erreur humaine

Le Bayesian, ketch de 56 m construit par Perini Navi et perdu le 19 août 2024 au large de Porticello (Sicile) avec sept victimes, a été renfloué le 20 juin puis posé en cale sèche à Termini Imerese le 23 juin.

Les premiers examens conduits sur la coque

Demeurée intacte après dix mois à 50 m de fond viennent bouleverser le scénario initial : selon les experts, le yacht était déjà gîté d’environ 15 ° et partiellement envahi d’eau avant l’arrivée du grain qui l’a couché, ce qui accréditerait l’hypothèse d’une voie d’eau interne mal maîtrisée plutôt que d’un choc ou d’une avarie structurelle.

© Perini Navi/ANSA

Ce que disent les premières expertises

Aucune brèche ni marque d’impact n’a été décelée sur la carène, testée à flot pendant plus d’une heure après le renflouement . Les enquêteurs privilégient désormais :

  • une mauvaise gestion des portellons ou des ouvrants.
  • une détection tardive de la montée des eaux dans les compartiments inférieurs.
  • et un retard dans l’application des procédures d’urgence, ce qui expliquerait la rapidité de l’enfoncement.

Le ministère public de Termini Imerese a déjà mis en examen le capitaine James Cutfield, l’officier mécanicien Timothy P. Eaton et le marin de quart Matthew Griffiths pour homicides involontaires et naufrage par négligence. Parallèlement, la Marine Accident Investigation Branch (MAIB) britannique poursuit sa propre enquête et n’exclut pas encore une vulnérabilité de conception face aux vents extrêmes, thèse défendue par les avocats des prévenus.

Les prochaines étapes de l’investigation

Inspection intrusive de la coque et des cloisons

Des endoscopies et tests par ultrasons doivent vérifier la continuité des joints, passe-coques et collecteurs. Une attention particulière sera portée à la cloison moteur et aux zones où les pompes de cale auraient pu être débordées.

Analyse numérique des enregistreurs

Les disques durs de la salle de contrôle – déjà récupérés et décryptés – contiennent les historiques de niveaux de cale, alarmes, presses étoupes et positions de portellons. Leur corrélation avec les images des caméras de bord permettra de reconstituer minute par minute la progression de l’envahissement.

Modélisation de stabilité et simulations CFD

L’Université de Bologne, mandatée comme expert indépendant, va recalculer les courbes de stabilité avec divers scénarios d’allègement et de chargement. Objectif : déterminer le volume d’eau embarqué avant la rafale fatale et vérifier si les marges réglementaires étaient suffisantes.

Auditions croisées des survivants

Les trois membres d’équipage mis en cause seront confrontés aux relevés techniques et aux rapports météo ; la justice italienne cherche à savoir pourquoi l’équipage n’a pas quitté le mouillage plus tôt et quelles manœuvres ont été entreprises entre 02 h 17 et 02 h 34, créneau critique avant le chavirage.

Rapport d’expertise final et arbitrage assurantiel

Les conclusions attendues d’ici avril 2026 fixeront la part de responsabilité entre l’équipage, l’armateur (Revtom Ltd) et, le cas échéant, le chantier ou l’architecte. Les indemnités potentielles – environ 400 M € selon les assureurs – dépendront directement de cet arbitrage.

Scénarios de conclusion possibles

Hypothèse finale Implications juridiques Effets sur l’industrie
Faute humaine dominante (portellons laissés ouverts, pompes hors service, veille météo déficiente) Condamnation pénale probable des trois marins ; activation pleine de la police P&I, plafonnée par la convention LLMC-96 Pression accrue sur la formation équipage des grands yachts ; possible obligation de VDR et d’alarmes étanches « fail-safe ».
Défaut de conception ou de construction (stabilité insuffisante, réseau de drainage mal dimensionné) Action récursoire de l’assureur contre le chantier ; remise en cause de la classe et du plan d’assurance Renforcement des critères de stabilité au mouillage pour les yachts >50 m ; audit des navires existants.
Combinaison : erreur + vulnérabilité Partage de responsabilité selon la faute imputable ; longue bataille de réassurance Adoption probable d’une nouvelle recommandation IMO/LY4 sur la gestion des ouvrants et bilges en mode mouillage exposé.

Le fait que la coque soit intacte et que les experts évoquent une gîte préalable à la tempête place la gestion humaine au premier plan ; c’est le scénario le plus courant dans les sinistres de navires de plaisance modernes. Toutefois, le litige entre la MAIB et la justice italienne montre que la robustesse de conception ne peut être écartée tant que les calculs de stabilité n’auront pas parlé. La suite de l’enquête sera donc décisive : si les preuves matérielles corroborent un envahissement d’origine interne et une réaction tardive de l’équipage, le dossier deviendra un cas d’école sur la culture sécurité en grande plaisance. Dans le cas inverse, c’est toute la chaîne de certification des superyachts en composite et aluminium qui pourrait être questionnée. Quoi qu’il arrive, la tragédie du Bayesian devrait accélérer l’installation systématique de capteurs de voie d’eau connectés et de procédures d’évacuation plus strictes pour les grands voiliers de croisière.

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