Changements et perspectives de l’industrie de la voile • Nouvelles Voiles
Mode sombre Mode lumière

Changements et perspectives de l’industrie de la voile

Alors que la conjoncture reste tendue, le marché mondial du nautisme à voile traverse depuis un an une phase de remaniement accéléré où se mêlent rachats stratégiques, repositionnements géographiques et paris technologiques sur la propulsion durable. Entre consolidations majeures — Ferretti, Sanlorenzo, HanseYachts — et expansions ciblées vers l’Asie ou le Moyen-Orient, les constructeurs réorganisent leur portefeuille pour absorber un ralentissement post-Covid, contrer les incertitudes douanières et répondre à une clientèle haut de gamme toujours plus exigeante en matière d’innovation verte. L’analyse qui suit décrypte, transaction par transaction, les forces à l’œuvre derrière cette recomposition du paysage voile, ses gagnants potentiels et les risques qui persistent à l’horizon 2026.

Notre Market Intel pour la mi-2025

© YYachts

Les consolidations

Après un printemps plutôt morose, le marché mondial de la voile vient de connaître une nouvelle vague de concentration qui redessine la carte des constructeurs : le 4 juillet, Ferretti a racheté les 25 % restants de Sea Lion Srl et possède désormais 100 % de Wally, réunissant sous un même toit la gamme de voiliers en carbone « Wallywind » et les navires à moteur futuristes de la marque .

Cette opération intervient moins d’un an après le coup de tonnerre de l’été 2024 : Sanlorenzo a pris 60 % de Nautor Swan, première étape d’un rachat total échelonné sur quatre ans. Le chantier finlandais, référence du monocoque de régate et de croisière haut de gamme, apporte à Sanlorenzo un savoir-faire voile qui lui manquait et place l’ensemble au premier rang de la course à la décarbonation grâce aux projets d’hydrogène déjà menés en interne .

© Nautor Swan

Dans le segment de la grande série, HanseYachts change aussi de mains : l’actionnaire historique Aurelius a signé en mai un protocole d’accord pour céder sa majorité à l’entrepreneur allemand Andreas Müller, associé au CEO Hanjo Runde. L’objectif affiché est de refinancer le groupe et d’ajuster la capacité de production face au ralentissement de la demande mondiale.

Côté multicoques, le français Grand Large Yachting poursuit sa stratégie de « plateforme voile ». Après l’intégration de Marsaudon Composites (ORC) et le renforcement de son tour de table par les fonds Raise Invest et Épopée Gestion à l’automne 2024, il a finalisé en janvier 2025 l’acquisition de Gunboat International, consolidant ainsi sa position sur le créneau des catamarans haute performance.

© Grand Large Yachting

Les catamarans de croisière ne sont pas en reste : en octobre 2024, Fountaine Pajot a pris la majorité du distributeur The Yacht Sales Co. pour accélérer en Asie-Pacifique, un marché devenu stratégique depuis la reprise rapide du charter et la montée en gamme de la clientèle régionale . Dans le même esprit, Sunreef installe progressivement sa nouvelle usine de Dubaï tandis que les commandes de sa gamme « Eco » 100 % électrique continuent de gonfler, signe que la transition énergétique reste un moteur d’achat malgré la conjoncture.

Sur le segment des super-yachts à voile, The Italian Sea Group (TISG) a livré début juillet le ketch de 60 m Katana, première grande Perini Navi depuis la reprise de la marque en 2022 et la revente de l’ancien site de Viareggio à Next Yacht Group pour 21 M€ l’an dernier . TISG place ainsi Perini Navi dans une niche 100 % voile, laissant à sa branche Admiral les motor-yachts.

@ Perini navi

Chez Bénéteau, les ventes du premier trimestre ont chuté de 43 % sous l’effet conjugué du déstockage réseau, du repli des loueurs et d’un début d’année très attentiste aux États-Unis ; le groupe promet néanmoins un rebond au second semestre grâce à vingt nouveaux modèles . Les mêmes vents contraires soufflent sur Sunseeker, qui annonce jusqu’à 200 suppressions de postes, et sur plusieurs chantiers britanniques fragilisés par l’envolée des coûts de l’énergie et des matières premières — autant de signaux d’une phase de digestion post-Covid.

© Beneteau

À ces tensions s’ajoute la bataille douanière relancée par Washington : l’administration Trump menace d’appliquer jusqu’à 20 % de droits d’importation sur les voiliers européens tandis que Bruxelles maintient en réserve des contre-mesures à 25–50 % sur les unités américaines. La suspension provisoire de ces surtaxes, décidée fin avril pour 90 jours, offre un simple sursis et entretient l’incertitude sur les carnets de commandes outre-Atlantique .

Malgré ce climat, le segment premium reste soutenu par une clientèle fortunée toujours plus internationale ; Ferretti et Sanlorenzo affichent un carnet record supérieur à 1,7 Md€ chacun, et les livraisons de maxi-catamarans hybrides continuent de progresser. Les chantiers misent sur la propulsion mixte, la régénération hydrogénératrice et les matériaux bio-sourcés pour se différencier — autant d’innovations qui nécessitent des capitaux importants et expliquent la poursuite du mouvement de consolidation.

© Baltic Yachts

Les segments bas et milieu de gamme sont totalement absents de l’équation

Pour les monocoques et petits catamarans de 28 à 40 pieds vendus entre 90 000 € et 300 000 €, la dynamique s’est nettement retournée depuis la fin du boom post-Covid. L’envolée des taux, la hausse du coût de la vie et la normalisation de l’usage du bateau (retour des voyages lointains, arbitrages budgétaires) ont freiné les commandes, tandis que les réseaux de distribution continuent d’écouler les stocks accumulés lors du pic 2021-2023 ; chez Bénéteau, par exemple, ce « destockage » a déjà réduit les encours de plus de 110 M€ en neuf mois . Conjugué à la flambée des coûts de production (+ 30-35 % en trois ans), cet excédent nourrit une guerre des prix qui aligne les remises salon, renchérit les reprises et pèse sur les marges des chantiers. Le courtier Berthon constate même « trop de petites séries pour trop peu d’acheteurs », avec un marché de l’occasion qui capte une partie de la demande grâce à l’écart devenu attractif entre neuf et brokerage.

Pour autant, la base d’utilisateurs reste potentiellement large : le cabinet TBRC prévoit encore une croissance annuelle moyenne d’environ 2,4 % pour l’ensemble du marché voile jusqu’en 2029, portée par le charter et les clubs de partage. Les grands acteurs s’adaptent : Beneteau (Oceanis 30.1, First 27), Hanse (315) ou Bavaria (C34) misent sur des carènes plus légères, des gréements simplifiés et, surtout, sur des solutions de propulsion électrique hybrides.

En parallèle, les formules d’abonnement (boat clubs) et la location courte durée assurent un volant d’activité aux concessions, gommant la cyclicité des ventes unitaires. À court terme, la pression sur les prix restera forte tant que les stocks n’auront pas retrouvé un niveau d’équilibre, mais la capacité d’innovation produit et de diversification des services laisse entrevoir un retour à la croissance dès que le contexte macro-financier se stabilisera…

Recevez directement nos articles par eMail

Nous envoyons un email par semaine au maximum et nous ne revendons jamais vos données. Cette newsletter sert uniquement à vous informer sur nos nouveaux articles.
Ajouter un commentaire Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Article précédent

Ferretti finalise son acquisition de Wally Yachts

Article suivant

SailProof vs Orca Display 2 – duel high-tech au poste de barre