Le futur de Bénéteau s’écrit aujourd’hui sur deux registres très contrastés : un cycle conjoncturel défavorable à court terme et une base stratégique solide qui devrait, sauf accident macro-économique, remettre le Groupe sur une trajectoire de croissance rentable à partir de 2026.
En 2025, l’environnement reste pénalisant. Au premier trimestre, le chiffre d’affaires a chuté de 43 % à 130 M€, sous l’effet cumulé d’un reflux de la demande, du déstockage voulu par les concessionnaires (-40 M€) et du basculement ERP ; la direction table sur un « point bas » de l’activité et de la rentabilité au premier semestre . Les analystes d’UBS, qui viennent d’initier la couverture du titre avec une recommandation « Neutre » et un objectif de cours de 9 €, estiment que la visibilité reste faible avant 2026 ; ils pointent l’absence de catalyseur immédiat, l’incertitude douanière américaine et la nature cyclique du marché . Oddo BHF, déjà prudent, a ramené sa cible de 10 € à 9,6 € mi-juin . Enfin, IBI note que le déstockage devrait encore peser jusqu’à l’été, en Europe comme en Amérique du Nord .
La solidité financière limite toutefois le risque de casse : la trésorerie nette dépassait 240 M€ fin mars et les ajustements de cadence protègent le bilan . Cette marge de manœuvre permet à Bénéteau de maintenir le lancement de 20 nouveaux modèles entre août et décembre, répartis entre montée en gamme (Lagoon 82, First 60, Prestige M7…) et renouvellement de l’entrée de gamme (Lagoon 38, Excess 13) ; c’est la clé du rebond espéré au second semestre, quand les stocks réseau seront revenus à la normale.
Au-delà de la conjoncture, la feuille de route 2030 reste intacte : réduction de 30 % de l’intensité carbone, électrification progressive (100 % d’alternatives de propulsion sur toute la gamme à l’horizon 2030) et développement des services Boating Solutions (location, marinas, digital) pour lisser la cyclicité des ventes . Cette combinaison d’innovation produit et de diversification est un avantage structurel potentiel face à des concurrents plus spécialisés.
Scénario central : un exercice 2025 autour de 950 M€ de chiffre d’affaires et une marge opérationnelle courant ramenée à 3 %, suivi d’une reprise graduelle (6 % en 2026, 7-8 % en 2028) à mesure que le portefeuille de nouveautés et les solutions électriques montent en cadence. Dans ce cadre, l’objectif interne de 1,5 Md€ en 2028 paraît ambitieux mais pas hors de portée si la demande mondiale se normalise ; les courtiers, plus conservateurs (≈1,16 Md€), laissent ouverte une revalorisation si les signaux de reprise se concrétisent dès 2026.
En résumé, Bénéteau traverse un creux cyclique prononcé mais dispose : d’un bilan robuste, d’un pipeline produit dense et d’un projet industriel aligné sur les attentes environnementales. Le levier-clé reste la normalisation des stocks distributeurs ; une fois ce frein levé, la combinaison innovation-durabilité devrait redevenir un moteur de création de valeur, même si le dossier conservera une prime de risque tant que les droits de douane américains et l’inflation des taux pèseront sur les achats de biens d’équipement.